jeudi 11 février 2010

Homophobie inconsciente

A côté de l’homophobie bête et méchante que tout le monde reconnaît et condamne plus ou moins, il y a une homophobie pernicieuse, celle qui s’insinue sans avoir l’air d’y toucher et qui fait sans doute autant de dégâts sinon plus que l’homophobie ouverte.
A côté des homophobes avérés, il y a ceux qui ne voudront jamais reconnaître qu’ils le sont et qui, pire, se donnent bonne conscience. Ils sont prêts à jurer de bonne fois et la main sur le cœur qu’ils n’ont rien à voir avec les homophobes. Et pourtant…
« Non, vraiment, on n’a contre ces gens-là mais ils devraient être plus discrets ! Pourquoi ont-ils besoin de dire qu’ils sont homos ? Pensez donc, ma bonne dame, on ne voit plus qu’eux ! Si on les laissait faire, ils nous imposeraient leurs règles. Quel exemple pour nos enfants ! Et puis, l’homosexualité, ce n’est pas normal, c’est contre nature, … »
C’est l’homophobie de ceux qui disent respecter les homos et prétendent en compter plusieurs parmi leurs amis mais qui les regardent avec condescendance, comme on regarderait des personnes atteintes d’un grave handicap ou d’une maladie incurable. C’est l’homophobie de ceux qui acceptent les homosexuels pour autant qu’ils soient incolores, inodores et insipides, pour autant qu’ils se fondent dans la masse et se tiennent tranquilles dans la société hétérosexuelle qui ne leur reconnaît pas le droit d’être traités sur un pied d’égalité avec les hétérosexuels. C’est l’homophobie de ceux qui acceptent les homosexuels à condition que ceux-ci se soumettent au sous-statut qui leur est proposé.
C’est enfin l’homophobie de ceux qui sont indifférents à l’homosexualité pour autant que celle-ci n’atteignent pas leur famille et qui prient Dieu de n’avoir jamais d’enfant comme ça…

L’homophobie pernicieuse, c’est celle qui s’exprime par de petites phrases, des allusions, des réflexions anodines, des jugements de valeur ou des moqueries. Ce ne sont jamais que des banalités « pas bien méchantes » mais qui, répétées, font leur chemin dans la tête des enfants et finissent par construire un mur d’incompréhension entre les enfants et leurs parents. C’est ce qui fait que les enfants n’osent rien dire, se cachent, mentent ou s’enferment dans un mutisme dépressif qui peut mener au suicide.

Qu’on y réfléchisse, il y a des homophobes militants comme certains religieux ou madame Boutin, mais il y a aussi des homophobes par inconscience comme ces nombreux parents qui, croyant bien faire pour protéger leurs enfants, ont signé la pétition pour faire interdire le « Baiser de la lune ».
L’homophobie n’est pas rationnelle et je pense que les arguments de raison n’en viendront jamais à bout. Puisse la petite histoire ci-dessous faire au moins réfléchir et modifier le regard des homophobes inconscients.


Je pourrais dire que je ne suis pas fier de moi, que j'ai honte, que je ne suis pas bien dans ma peau…
Je ne vois qu'une chose à dire ! J'ai mal, affreusement mal ! Je pleure chaque jour depuis l'été dernier, je pleure encore à cet instant et je continuerais tant que mon corps pourra m'aider à pleurer.
J'ai détruit ce que j'avais de plus précieux, j'ai anéanti ma famille… J'ai ôté la vie de mon fils à cause de ma connerie, et si je n'avais encore quelque espoir de retrouver la paix, je serais prêt à aller le rejoindre. Ce n'est pas encore exclu…
Je m'appelle Eddy. J'avais le bonheur d'avoir une petite famille merveilleuse. Une femme adorable (qui me hait aujourd'hui !), deux filles délicieuses et un petit mec… Le fils parfait… Mon garçon faisait beaucoup de sport, trop peut-être. À 16 ans, il avait tout ce qu'il fallait pour tomber toutes les filles du quartier. Je me voyais déjà batailler pour calmer les notes de téléphone, les scooters devant la maison.
J'ai été con, aveugle, le dernier des imbéciles.
Oui, j'ai vu des engins ! Oui, j'ai gueulé parce qu'ils faisaient un peu de bruit en rentrant.
Je ne voyais que les copains de mon gamin qui pétaradaient discrètement. Je n'avais pas remarqué qu'ils faisaient tout, au contraire, pour être discrets, pour ne pas réveiller la maisonnée.
Je n'avais pas vu, pas fait attention à ce moment, que mon petit bonhomme et celui qui le raccompagnait faisaient tout pour faire le moins de bruit possible.
J'étais enfermé dans ma bulle de gros blaireau borné et je ne me suis pas intéressé à sa vie.
J'ai attendu, comme le père standard, qu'il me parle de ses copines, qu'il m'émoustille de ses petites histoires.
Mais rien !
Mon gamin a eu 17 ans, puis 18, mais jamais de confidences, jamais de complicité avec son père qui l'adorait.
Jamais, il ne m'a fait partager les instants privilégiés de sa vie. Mais c'est ma faute ! Je ne lui ai jamais demandé. Je n'ai jamais posé la moindre question sauf balancer de temps à autre une allusion que je découvre maintenant comme complètement stupide.
Pour son bac, en juin, je voulais lui payer son permis. Il n'a pas voulu. Il m'a simplement dit qu'il se le paierait avec son job d'été.
Puis un soir de juillet, il faisait terriblement chaud. Il était près de 2 heures du matin, je m'en souviens. J'étais dehors à fumer ma clope. Ma femme nous a toujours interdit à mon gamin et à moi de fumer dans la maison. Je sais que mes filles fument, mais c'est en cachette !
Je venais d'écraser mon mégot, je profitais d'un dernier moment de la douceur du soir. Les scooters sont arrivés.
J'étais dans le noir mais je ne cherchais pas à espionner. Mon gosse a garé son scooter devant la porte de la remise. Celui qui le suivait a éteint le sien aussitôt. Je me préparais à aller les trouver, leur proposer une bière, une cigarette…
Mais j'ai vu !
J'ai vu ce que je n'aurais jamais du voir ! Pas comme ça !
Pourquoi je n'ai pas fait de bruit ! Pourquoi je ne me suis pas manifesté pour indiquer ma présence !!!
Non ! J'ai fermé ma gueule, je suis resté dans l'ombre et j'ai vu !
Mon bébé, mon petit garçon était en train de se bécoter avec un mec.
Mon fils embrassait un garçon presque sous les fenêtres de ses soeurs !!!
Et moi, gros connard, je me suis levé de mon siège, j'ai poussé ma gueulante et j'ai viré l'autre.
J'ai hurlé sur mon gamin, sans même m'apercevoir qu'il pleurait. Le cendrier est passé à quelques centimètres de sa tête.
Pour gueuler, oh oui, j'ai gueulé. Je n'ose même pas répéter les mots que j'ai utilisés. Pédé, tantouse, tapette, tout mon vocabulaire y est passé. Je n'en avais rien à foutre des voisins. J'ai braillé comme un âne. Et, pendant tout le temps que je criais sur lui, mon gosse pleurait.
Il a simplement dit « papa, laisse-moi t'expliquer… ».
« Y a rien à expliquer, j'ai compris », c'est tout ce que j'ai eu à lui répondre.
J'avais rien compris !
Je n'ai pas vu que mon gosse était différent de moi, différent de ma conception de la famille.
Je n'ai pas voulu en reparler le lendemain. Pour moi, ma famille devrait se contenter de deux filles, point barre.
Je me suis dit qu'il allait changer. Mais que pour l'heure, je n'avais plus de fils en attendant qu'il revienne dans le droit chemin. Pourtant, je n'y croyais pas, et je lui ai dit. Je lui ai tout simplement dit que je ne voulais pas d'un fils pédé (c'est le mot que j'ai utilisé) et qu'après l'été, il allait bosser et se prendre un appart en ville.
Là encore je n'ai pas vu qu'il pleurait.
Si ! J'ai vu ! Mais je n'ai pas voulu voir !
Il a pris son scooter et il est parti.
Maxime n'est pas revenu.
La gendarmerie a téléphoné. On devait venir à l'hôpital.
Il avait voulu faire l'avion avec son scooter du haut du pont.
Le gendarme m'a simplement dit qu'il avait pris le soin de poser son casque sur la chaussée avant de prendre son élan.
Je suis le dernier des salauds.
J'essaie de tenir depuis cet été, mais c'est dur.
J'ai mal, très mal. Là encore, en confiant mon chagrin sur cet écran, j'ai à nouveau l'envie de me foutre en l'air.
J'ai la chance d'avoir deux filles qui m'aident. Ma femme me hait depuis cette horrible journée. Je la comprends, je me hais moi-même.
Comment puis-je demander pardon à mon gamin ?
Je l'ai tué, il n'y a rien de plus à dire. Sauf de le rejoindre, je ne sais comment me racheter.
Et encore. S'il y a une vie après, je doute qu'il puisse me pardonner.
Maxime aimait les garçons, oui ! Mais, il aimait, et c'est tout.
Pardon mille fois mon garçon. Mon cœur est en miettes mais rien ne peut réparer mon imbécillité.
A tous ces garçons qui se tournent vers d'autres garçons, je ne voudrais dire qu'une chose : ne laissez pas votre père en dehors de votre vie. Parlez dès que vous vous en sentez la force ! Et, dernier point : regardez-le en face, toujours !
Que ne voudrais-je maintenant pouvoir parler aux pères qui vont commettre l'irréparable !

Message suivant : APPEL URGENT OUGANDA

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