mardi 2 février 2010

Boutin s’en va-t-en guerre…

La semaine dernière, j’évoquais le film « Le baiser de la lune », un film d’animation poétique et pédagogique de Sébastien Watel destiné à apporter une meilleure représentation des relations amoureuses entre les personnes du même sexe et dès lors à lutter contre les discriminations par un apprentissage du respect de l’autre et de sa différence. J’évoquais aussi les pressions des lobbys conservateurs cherchant à faire capoter le projet.
Ce week-end, Christine Boutin, qui naguère brandissait la bible au sein du parlement pour s’opposer au PACS, est entrée dans la danse pour défendre « la neutralité philosophique et politique » de l’école en écrivant une lettre ouverte à Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Cette lettre est publiée sur le site du « Parti Chrétien-Démocrate » qu’elle préside et relayée par le site « Chrétienté info – coopérateur de la Vérité ». Coopérateur de la Vérité, avec un grand V, tout un programme qui sent le souffre de l’obscurantisme.

Paris, le 29 janvier 2010
Monsieur le Ministre,
Je me permets de vous exprimer ma surprise et mon indignation, partagées par un nombre croissant de Français, au sujet du projet de diffusion du film Le baiser de la Lune, destiné aux élèves de CM1 et CM2.
Ce film, comme l’indique son réalisateur lui-même, doit servir « d’outil pédagogique » pour « apporter une meilleure représentation des relations amoureuses entre les personnes du même sexe », « à l’intention des enfants de CM1/CM2. » Ce film développera notamment « des exercices ludiques amenant les élèves à réfléchir sur les relations amoureuses : norme, stéréotypes, relations amoureuses entre personne du même sexe. »
« La neutralité philosophique et politique s'impose aux enseignants et aux élèves, » lit-on sur le site de l’Education nationale. Or, ce film bafoue le principe de la neutralité de l’enseignement public en s’immisçant dans la conscience et l’intimité des enfants sans égard pour la responsabilité éducative de leurs parents.
Au nom d’une idéologie relativiste poussée à l’extrême, et sous l’impulsion de groupes de pression, ce film idéologique prive les enfants des repères les plus fondamentaux que sont la différence des sexes et la dimension structurante pour chacun de l’altérité.
Vous comprendrez comme moi que « l’apprentissage du respect de l’autre et de sa différence », intention officielle du film, ne peut se faire en niant une différence fondamentale, la différence des sexes, qui est constitutive de notre humanité.
« L’apprentissage du respect de l’autre » ne peut pas non plus se faire en caricaturant « le regard archaïque d’une grand-mère sur les relations amoureuses », regard qui est celui de la très grande majorité des Français.
Monsieur le ministre, je vous demande, au nom du respect de la neutralité de l’Education Nationale, de bien vouloir affirmer votre opposition à ce film en obtenant l’interdiction de sa diffusion.
Confiante dans la suite que vous donnerez à ma demande, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de ma haute considération.
Christine Boutin, Présidente du Parti Chrétien-Démocrate.

Ainsi, Madame Boutin prend le relai de ceux qui reprochent au projet du « Baiser de la lune » de vouloir pervertir la jeunesse.
Sachons de quoi nous parlons et voyons où se trouve la véritable perversion.
Est pervers ce qui manifeste de la perversité, ce qui est enclin au mal, se plait à faire le mal ou à l’encourager.
La perversité est une disposition active à faire le mal intentionnellement tandis que la perversion consiste à pervertir, c’est-à-dire à changer en mal, à rendre mauvais, à modifier les choses en les dérangeant ou en les détournant de leur fin ou de leur sens.

Ne nous y trompons pas, les oppositions au film de Sébastien Watel se basent exclusivement sur un jugement moral qui considère l’homosexualité comme intrinsèquement mauvaise et l’hétérosexualité comme intrinsèquement bonne. Ce jugement de valeur étant purement subjectif, il ne peut l’emporter dans une argumentation sur les réalités objectives ni sur les valeurs laïques qui fondent notre société.

Quelles sont les réalités objectives ?
Il y a des garçons qui aiment des filles et des filles qui aiment des garçons.
Il y a des garçons qui aiment des garçons et des filles qui aiment des filles.
Il y a des garçons qui aiment à la fois des garçons et des filles, et des filles qui aiment à la fois des filles et des garçons.
Il y a donc dans la nature de l’être humain une pluralité d’attirances affectives possibles. Ces attirances affectives ne sont pas le résultat d’un choix murement réfléchi mais s’imposent naturellement à chacun sans qu’aucune étude scientifique n’ait pu jusqu’à présent expliquer pourquoi.
Indépendamment des jugements de valeurs que chacun peut porter à leur sujet, il existe une diversité d’orientation sexuelle. Qui pourrait le nier ?
Au-delà des réalités objectives, il y a des choix de société qui ont été faits. Nous pouvons nous réjouir que l’Europe ait opté pour des valeurs laïques respectueuses de la pluralité et du respect de tous, bannissant les discriminations basées sur l’origine ethnique, la culture, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, …
Il s’agit ici d’un subtil équilibre qui permet la vie en commun dans un esprit pacifique en garantissant les droits fondamentaux de chacun et qu’il serait périlleux de remettre en question.
Ce sont ces réalités objectives et ces valeurs laïques qu’il faut prendre en considération avant de céder au jugement moral et aux valeurs religieuses que, sans le dire, madame Boutin veut défendre.

Christine Boutin rappelle que « la neutralité philosophique et politique s'impose aux enseignants et aux élèves ». Nous sommes bien d’accord avec elle. Peut-elle alors nous expliquer comment elle peut justifier au nom de cette neutralité qu’une seule orientation affective, l’hétérosexualité, soit présentée aux jeunes ?
Que je sache, Madame Boutin ne s’est jamais offusquée de la présentation de modèles hétérosexuels dans l’enseignement, et n’a jamais craint que l’hétérosexualité omniprésente ne s’immisce dans les consciences et dans l’intimité des enfants. Faudrait-il lui rappeler que le taux de suicide chez les jeunes qui se découvrent homosexuels est largement supérieur à celui des jeunes hétérosexuels ?
La présidente du Parti Chrétien-Démocrate se soucie de la responsabilité éducative des parents. J’imagine qu’elle veut défendre le droit des parents d’être homophobes et de transmettre cette homophobie à leurs enfants nonobstant les lois contre l’homophobie. Comprenons où cela nous mènerait si nous suivions son argumentation. L’école devrait-elle renoncer à enseigner les lois de l’évolution sous prétexte que cela pourrait contrecarrer la responsabilité éducative de parents créationnistes ? Faudrait-il cesser de parler de la Shoa ou des camps de concentration de la seconde guerre mondiale pour plaire aux parents antisémites ou négationnistes ? A la suivre, ce sont les cours de sciences, d’histoire, de philosophie que l’on retirerait des programmes de l’enseignement public. Il serait finalement plus simple de supprimer l’enseignement public et de le remplacer par des enseignements privés où s’exacerberaient tous les extrémistes philosophiques. Il est beau l’avenir qu’elle nous prépare sans avoir l’air d’y toucher en défendant ses valeurs morales, quand les écoles catholiques, islamiques, judaïques, anticléricales formeront des jeunes fanatiques prêts à s’entretuer parce qu’on ne leur aura plus enseigné le respect des différences mutuelles.
N’oublions pas que Madame Boutin est Consulteur du Conseil Pontifical pour la Famille. Lorsqu’elle reproche au film de Sébastien Watel, et à l’homosexualité en général, de nier la différence des sexes, elle répète le discours de son maître Benoît XVI. Il est vrai que le Saint-Père sait faire la différence entre les hommes, appelés à occuper les meilleurs postes dans l’Eglise, et les femmes, destinées à rester d’humbles servantes. Mais, Dieu seul sait si sur ce point de la différence des sexes l’Eglise catholique n’envie pas la position plus radicale des islamistes qui ne voient en la femme qu’une esclave que l’homme peut garder enfermée à double tour et ne laisse sortir occasionnellement qu’entièrement voilée. Si c’est cela la différence fondamentale des sexes sur laquelle Christine Boutin souhaite constituer notre humanité, je préfère mon « ignorance » d’homosexuel.

Restons sérieux, Madame Boutin, et cessez de raconter n’importe quoi. Vous êtes intolérante et voulez imposer vos vérités subjectives à n’importe quel prix, mais vous n’êtes pas idiote et vous savez que votre argument basé sur la négation de la différence des sexes ne tient pas.
Est-il nécessaire d’avoir des relations sexuelles avec une personne du sexe opposé pour reconnaître et accepter la différence constitutive des sexes ? Non bien sûr.
J’imagine que vous n’êtes pas zoophile. Devrais-je en conclure que vous n’êtes pas capable d’établir une distinction entre l’être humain et la bête ? Si vous n’êtes pas gérontophile, dois-je en déduire que vous ne respectez pas les vieux ? Faudrait-il être pédophile pour faire la différence entre un enfant et un adulte ?
Mes comparaisons sont choquantes ? Je l’espère car je suis outré par votre argumentation et les valeurs morales auxquelles elle conduit.
Certes, nous savons que la différence des sexes est constitutive de l’humanité et que la reproduction de l’espèce passe par elle. Nous ne le nions pas. Mais, nous savons aussi que la sexualité ne se réduit pas à la reproduction et que la part de plaisir et d’épanouissement personnel qu’elle apporte devient prépondérante au moment où la surpopulation menace l’espèce et où la régulation des naissances devient indispensable.
Gageons d’ailleurs que c’est cet aspect de plaisir et d’épanouissement personnel de la sexualité plutôt que l’homosexualité elle-même qui dérange le plus Madame Boudin et ses adeptes.

Message suivant : Chatel ne veut pas...

2 commentaires:

  1. Josué Finkelstein2 février 2010 à 23:52

    Bonsoir,

    je ne suis pas du tout dans la logique de Christine Boutin.

    Les parents qui font le choix d'envoyer leurs enfants à l'école publique doivent s'attendre à une telle éducation de la part des professeurs.

    C'est pareil pour ça : "L’école devrait-elle renoncer à enseigner les lois de l’évolution sous prétexte que cela pourrait contrecarrer la responsabilité éducative de parents créationnistes ?"

    Il y a 18 écoles privées créationnistes en France. Les parents ont toute liberté pour y envoyer leurs enfants. (Enfin, tant que le chèque éducation ne sera pas mis en place, la liberté est rognée par les frais de scolarité que les parents doivent payer deux fois : une fois à l'école privée + une fois à l'école publique par leurs impôts).

    Si une telle école ne se trouve pas à proximité de chez eux, je les encourage à choisir l'école à la maison. Si elle leur est refusée par les autorités, on sait depuis la semaine dernière qu'ils peuvent demander l'asile politique dans un pays plus libre.

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  2. Merci pour cette information.
    N'étant pas créationniste, j'ignorais l'existence de telles écoles en France.
    Pour ma part, je suis attaché au principe de l'école publique tout en reconnaissant qu'il y a de sérieuses failles et que nous aurions tout intérêt à réinvestir dans la qualité de l'enseignement.
    A mon sens, l'école doit être la plus objective possible, ce qui signifie qu'elle n'a pas à prendre parti pour une option ou pour une autre mais qu'il lui appartient quand même de présenter - sans jugement de valeur, c'est le rôle des parents - les différents courants de pensée qui traversent la société.

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