mercredi 2 décembre 2009

Les couples homosexuels ne peuvent pas durer ?

Certains prétendent que l’homosexualité n’est pas une sexualité épanouissante et qu’elle ne peut dès lors pas être considérée sur un pied d’égalité avec l’hétérosexualité. Pour eux, les homosexuels sont des immatures, incapables d’aimer quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes, toujours à la recherche de leur propre image à travers leurs multiples partenaires. Pour étayer leur thèse, ils vont jusqu’à affirmer que les couples homosexuels ne peuvent pas tenir dans la durée.

Voila de belles affirmations qui pourraient sans doute convaincre ceux qui se gargarisent de beaux mots mais qui sont loin d’être prouvées.
Il faudrait tout d’abord prouver qu’une relation ne peut être épanouissante que lorsqu’elle est exclusive et qu’elle s’inscrit dans la durée. Je ne suis pas certain que tous les hétérosexuels soient disposés à souscrire à cette affirmation. En quoi n’avoir qu’un seul partenaire sexuel pendant de nombreuses années serait-il nécessairement plus épanouissant que de faire l’expérience de la diversité ?
Comment expliquer le succès des vaudevilles qui mettent en scène les aventures extraconjugales des bons bourgeois et qui se gaussent des maris trompés ? Ne serait-ce pas parce que ces pièces du théâtre de boulevard rencontrent avec justesse les fantasmes libertins enfuis au plus profond de chacun d’entre-nous et la crainte que nous avons qu’ils ne soient découverts ?
Quoi qu’il en soit, il serait hypocrite de présenter l’idéal de la fidélité conjugale de longue durée comme une particularité propre à l’hétérosexualité, qui la distinguerait de l’homosexualité.

Soyons sérieux. Prétendre que les couples homosexuels ne peuvent pas tenir dans la durée n’est pas un argument recevable pour justifier les discriminations faites à l’égard des couples de même sexe.
Pour que l’argumentation puisse être prise en compte, il faudrait qu’elle soit démontrée par une étude comparative établie sur des couples hétérosexuels et homosexuels placés dans les mêmes conditions.
Il ne suffit pas de trouver dans son entourage des exemples de couples homosexuels qui n’ont pas tenus et leur opposer les exemples de couples hétérosexuels qui fêtent leurs noces de diamant. En effet, je peux aussi donner en exemple des couples homosexuels qui tiennent la route depuis plus de trente ans et leur opposer des couples hétérosexuels qui n’ont pas duré plus de trois ans.
Les statistiques concernant les taux de divortialité, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de divorces et le nombre de mariages pour une période donnée, sont assez éclairantes sur la fragilité des couples hétérosexuels. En France, ce taux était de 5 % en 1914, de 10 % en 1970, de 30 % en 1985, de 45 % en 2001 et atteint aujourd’hui les 50 %, soit un divorce pour deux mariages. Attribuer la croissance exponentielle des divorces hétérosexuels à l’homosexualité serait de très mauvaise foi.
En Belgique, les chiffres sont encore plus alarmants pour la stabilité des couples hétérosexuels puisqu’on dénombrait 30081 divorces pour 45561 mariages en 2007, soit un taux de divortialité de 66 %. Ceux qui voudraient attribuer ce taux très élevé au fait que la Belgique a ouvert le mariage aux couples homosexuels seront déçus en apprenant qu’il n’y a eu que 92 divorces pour 2300 mariages homosexuels, soit un taux de divortialité de 4 %. Loin de moi la volonté de tirer des conclusions trop hâtives ; le mariage homosexuel est trop récent pour qu’on puisse déduire quoi que ce soit de ces chiffres, si ce n’est qu’après 4 ans de mariage, les homosexuels ne divorcent pas plus que les hétérosexuels.

Reconnaissons-le, nous ne disposons actuellement d’aucune étude comparative permettant d’affirmer ou d’infirmer que les couples homosexuels sont moins capables que les autres de tenir dans la durée. Une telle étude est d’ailleurs impossible à faire actuellement puisque les couples homosexuels et les couples hétérosexuels ne sont pas placés dans les mêmes conditions objectives. Les pressions qui pèsent sur les uns et les autres sont très différentes, diamétralement opposées.
Même si les mentalités changent, le regard négatif porté sur l’homosexualité et qui poussent encore bon nombre d’homosexuels à se cacher n’est pas de nature à renforcer une relation naissante. Quel hétérosexuel accepterait pendant longtemps de tenir sa relation secrète, de plier bagage et de s’installer à l’hôtel ou chez un copain chaque fois que les parents de sa compagne viennent lui rendre visite, de passer les fêtes seul pendant que son conjoint les passent en célibataire dans sa famille ? ...
Pour les hétérosexuels, les pressions sont inverses. Même si le couple ne tient plus et si chacun mène sa vie sexuelle de son côté, on reste ensemble pour les enfants ou pour respecter les convenances sociales. Certes, de ce côté aussi, les mentalités changent comme on peut justement le voir au vu de l’augmentation des divorces que j’ai évoquée ci-dessus.
Ainsi, quand on examine d’un peu plus près les affirmations péremptoires tentant à discréditer l’homosexualité, on se rend compte qu’elles ne sont pas aussi évidentes que ce qu’elles veulent faire croire. Elles donnent peut-être bonne conscience à ceux qui les utilisent mais ne peuvent pas être retenues pour justifier les discriminations à l’encontre des homosexuels.


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