vendredi 27 novembre 2009

La psychanalyse ne peut pas être homophobe

L’argumentation théologique basée sur des interprétations douteuses de quelques textes bibliques ne pouvant plus être prise au sérieux, certains cherchent maintenant dans les sciences humaines des arguments pour dénigrer l’homosexualité.
La déclaration suivante me semble exemplaire à cet égard :
« L’homosexuel recherche le plus souvent une suite de partenaires dont aucun ne lui fournira plus que quelques rapports, ou peut-être même pas plus qu’un seul. Les discordes entre partenaires homosexuels réduisent les occasions de rapports heureux. Les relations durables entre deux mâles sont remarquablement peu nombreuses. L’hésitation de l’homosexuel, son inquiétude ne lui permettent pas d’échapper à lui-même, et c’est pourquoi l’homosexuel ne peut aller vers un autre dans lequel il ne se retrouverait pas. Le narcissisme de l’homosexuel n’est pas une sérénité. Il veut une certitude non pas sur ce qui l’entoure mais sur ce qu’il est.
C’est là l’échec de Sodome : l’impossibilité de construire la plénitude de l’amour. Je n’ai jamais vu un couple d’homophiles résister aux crises ; on ne s’aime plus, on se quitte pour se reprendre ensuite au besoin, plus tard. L’autre est trop souvent un moyen temporaire, jamais une fin.»
L’argument est de considérer que l’homosexuel est incapable de connaître un amour vrai. En refusant d’avoir des relations sexuelles avec une personne de l’autre sexe, il refuse l’altérité, la différence. Selon cette interprétation, l’homosexuel est incapable d’aimer son partenaire. Ce qu’il aime à travers son partenaire, c’est l’image que celui-ci lui renvoie de lui-même.

Voilà une argumentation bien construite, qui se veut scientifique, basée sans doute sur les dernières recherches faites par des psychanalystes de haut niveau. Du moins, c’est ce qu’ils veulent nous faire croire. Mais à la vérité, ce n’est que du bluff, des élucubrations d’hétéro coincés qui n’ont sans doute jamais approchés des homosexuels de très près.
N’étant pas un spécialiste en la matière, je laisserai la parole à plus compétente que moi pour répondre à ceux qui veulent utiliser la psychanalyse pour discriminer les homosexuels. Il s’agit d’Élisabeth Roudinesco, historienne et psychanalyste, chargée de cours à l’École pratique des hautes études, et auteure de plusieurs ouvrages dont "Pourquoi la psychanalyse ?" et, avec Michel Plon, "Dictionnaire de la psychanalyse".

Elisabeth Roudinesco : La psychanalyse ne peut pas être homophobe. La " rébellion " des mouvements homosexuels contre ceux qui ont tenu des " propos inacceptables " à leur égard est parfaitement justifiée. Mais on ne peut pas entraîner toute la psychanalyse dans ce rejet.
D’une part, il y a une rébellion parfaitement justifiée contre des psychanalystes qui se sont manifestés sur la place publique par des jugements inadmissibles, hostiles aux homosexuels, dans la pire tradition de l’homophobie, que l’on peut rattacher à la misogynie, voire par certains côtés à l’antisémitisme et au racisme - à savoir la haine et la stigmatisation de l’autre. Avec une argumentation qui ressemble à la façon dont la psychanalyse elle-même a été critiquée au début du siècle, quand on l’accusait de " porter atteinte à la morale civilisée " ou d’" effacer la différence des sexes " : que des psychanalystes portent les idées de ceux qui combattaient la psychanalyse au temps de Freud, c’est tout de même un sérieux problème ! D’autre part, je crois qu’existe un autre type de rébellion justifiée contre la notion même d’" expert ", et je partage tout à fait l’avis de Claude Lévi-Strauss, pour qui l’on ne doit pas entraîner sa discipline dans ses opinions. Nul n’a le droit de se référer à une théorie pour favoriser une discrimination. Les homosexuels ont donc raison de s’en prendre aux représentants d’une discipline qui prétendent être des " experts " de leur sexualité, mais on ne peut pas entraîner toute la psychanalyse dans ce rejet. C’est pourquoi je remercie Roland Gori et François Pommier qui m’ont permis de m’exprimer publiquement à ce sujet dans la revue Cliniques méditerranéennes. En majorité, les psychanalystes ne sont pas homophobes et, depuis des années, ils reçoivent en analyse des homosexuels qui le savent parfaitement. Cependant, ils ne protestent pas assez contre ceux qui se servent de la psychanalyse pour tenir des propos injurieux.
La psychanalyse doit se rénover, en prenant en compte ces phénomènes, et notamment ce que disent les sujets de leur propre sexualité. C’est comme si un anthropologue se mettait à mépriser ou à ignorer ce que les représentants des sociétés dites " primitives " disent d’eux-mêmes, pour ne construire que de prétendues théories de nature coloniale. Les psychanalystes homophobes se sont mis dans la situation intenable et ridicule de gendarmes d’une idéologie qui discrédite leur propre discipline, au nom d’une " neutralité d’expert ".

Pour ce qui concerne les affirmations gratuites selon lesquels les couples homosexuels ne peuvent qu’être éphémères, j’y reviendrai prochainement en examinant les chiffres officiels des divorces.
Quel qu'il soit, votre avis sur la question m'intéresse. N'hésitez donc pas à le donner. Merci.


Message suivant : Adolescent homosexuel décapité

3 commentaires:

  1. Je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui mais l'année dernière je crois, les statistiques nous apprenaient qu'il y avait 1 divorce sur 2 dans la région Parisienne et 1 divorce sur 3 en France
    Francis

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  2. c'est n'importe quoi ces psychanalystes homophobes ! Le problème est que n'importe qui peut être psychanalyste, il existe des formations mais il n'y a pas de diplôme pour ça, contrairement aux psychiatres qui sont médecins, et aux psychologues qui ont leur diplôme. Alors des gens ont suivis une analyse puis ont ouvert leur cabinet et se croient psychanalyste !
    Francis

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  3. Oui, Francis, je suis d'accord avec toi. Quand un psychanalyste donne son avis sur un sujet, on en apprend plus sur le psychanalyste et sur sa façon de percevoir les choses que sur le sujet lui-même.
    Mais, il est bon d'avoir un membre éminent de la profession pour remettre les pendules à l'heure.
    Les chiffres que tu cites correspondent à ceux que j'ai. Et, comme ce sont des chiffres pour la France, on ne peut pas dire que ce sont les couples homo qui divorcent.
    Merci pour tes avis.

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